vendredi 3 juillet 2015

Les Ambassadeurs, renaissance internationale (Reformation d’une légende)

Après des carrières remarquables, les musiciens du fameux orchestre ouest-africain Les Ambassadeurs remettent le couvert avec une tournée et le disque Rebirth, quarante-six ans après leur formation, en 1969.

Sur la vidéo de présentation de Rebirth, la renaissance des Ambassadeurs, on voit Cheikh Tidiane Seck et Salif Keita attablés, à Bamako, en pleine séance de travail. Ils listent les morceaux les plus importants des Ambassadeurs ou ceux que Salif Keita a envie d’interpréter, plus de quarante ans plus tard. Créé au début des années 1970, l’orchestre a ambiancé les nuits de la capitale malienne, avant de s’exporter à Abidjan en 1978 et de devenir Les Ambassadeurs Internationaux.

En 2015, le groupe se reforme, pour une tournée européenne et un EP de quatre titres, sorti fin juin au format CD et en vinyle. Si dans les années 1970, les Ambassadeurs étaient déjà des immenses vedettes au Mali et en Afrique de l’ouest, la plupart des musiciens ont connu ensuite des trajectoires internationales spectaculaires, qui donnent à cette renaissance un retentissement exceptionnel. Sur scène ou en studio, le casting est éblouissant : au chant, Salif Keita, à la guitare Amadou Bagayoko et Ousmane Kouyate, aux claviers, Cheikh Tidiane Seck et Idrissa Soumaoro.
 
Grande école

Les orchestres, c’étaient de grandes écoles“, explique au téléphone depuis Bamako Idrissa Soumaoro, qui s’y connaît en matière d’enseignement, puisqu’il a été inspecteur général de musique au Ministère de l’Education malien, jusqu’à sa retraite en 2011. En effet, les Ambassadeurs, comme le Rail Band ont permis à une génération de musiciens d’émerger, de jouer des heures durant, de se frotter à tous les styles, pour mieux tracer ensuite leur propre route.

En solo pour Salif Keita, en duo pour Amadou (avec Mariam), en électron libre pour Cheikh Tidiane Seck, en homme de l’ombre pour Ousmane Kouyate ou en fonctionnaire de l’état pour Idrissa Soumaoro, tous ou presque ont continué la musique. Certains sont invalides, d’autres décédés. Ceux qui restent sont tous de vieux copains, qui se connaissent depuis, comme on dit au Mali. Mais depuis quand ? Idrissa Soumaoro se rappelle par exemple que c’est Cheikh Tidiane qui accompagnait chez lui Amadou Bagayoko, au début des années 1970 et que c’est sur le piano de son salon qu’il s’exerçait. “J’étais déjà professeur de musique à l’époque, je l’ai aidé à prendre confiance : il avait les doigts faits pour ça“.

Bien avant Les Ambassadeurs Internationaux à Abidjan en 1978, Salif Keita et Cheikh Tidiane faisaient partie du Rail Band, l’autre formation mythique de la capitale malienne. “On était tous copains, de la même génération, on souhaitait rénover la musique malienne. Il y avait une saine émulation et une vraie synergie entre les deux orchestres…” se souvient Cheikh Tidiane Seck.
 
Jeunes hommes

Compagnons de route, amis, ex-rivaux parfois, ils ont vécu en quatre décennies des aventures communes, monté des groupes, partagé des soirées au “grin”, des cachets, des causeries, des scènes et des chambres d’hôtel… Cheikh Tidiane Seck le résume en un mot : “on se connaît, quoi“. S’il a eu envie de remonter les Ambassadeurs, c’est par plaisir, pour retrouver des sensations de jeune homme. “Les Stones n’ont jamais arrêté, un groupe comme Kassav non plus, malgré les carrières solo de chacun de ses membres. Pourquoi ces grands orchestres devraient mourir ?” s’insurge-t-il. “Nous voulions faire plaisir à nos fans et dire à tous ceux qui nous ont quitté que nous ne les oublierons jamais“.

Pour Idrissa Soumaoro, “cette reformation, ça nous a fait beaucoup de bien à tous ! Certains d’entre nous ne vivaient pas dans de très bonnes conditions matérielles… Je pense au tumbiste, Modibo Koné, qui a plus de 70 ans. Il vivait à Koulikoro à quelques kilomètres de Bamako. Depuis la fin des Ambassadeurs, il a touché à un peu de tout, il faisait le mécanicien, le chauffeur… Mais vraiment, ça fait plaisir de le voir revenir et sauter derrière ses congas, comme à l’époque“.

On devine, que derrière la sympathique photo de famille, rassembler de telles personnalités (et égos !) de la musique malienne n’est pas chose aisée. Réunis “autour de Salif“, selon Idrissa Soumaoro, les musiciens tentent de faire revivre le bel esprit d’équipe des Ambassadeurs, avec les mêmes mots d’ordre qu’à l’époque : instruire, amuser et faire danser.  Le public malien et plus largement ouest-africain, pour qui aucune date de concert n’est encore prévue, n’attend pourtant que ça.

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